Vaut le détour : un repas gastronomique dans un cadre au charme campagnard… Tout est simple et pourtant soigneusement pensé pour être beau et bon.
D’abord, le village : tout en rond, avec des maisons aux belles pierres blondes, des ruelles minuscules…
Ensuite, la “cascina” de la Cena di Pitagora : de vieux bâtiments de ferme magnifiquement rénovés autour d’une cour carrée plantée d’herbes aromatiques, de fleurs et de vigne vierge, une pergola recouverte d’une glycine blanche… Dans la salle commune, préparée pour nous deux seulement ce soir là, de beaux meubles de récupération, des lumières tamisées, un feu dans le poêle à bois, un mur entier de livres, des brochures militantes, un peu de musique : une ambiance simple et chaleureuse. C’est là (je crois) que se tiennent les réunions et les conférences de l’association.
Le repas (entièrement vegan) : j’ai noté la composition de chaque plat tant elle m’a semblé parfaite. Pour commencer, un antipasto de légumes craquants marinés à l’huile d’olive et au citron avec quelques cubes de bavarois d’épinards. Maria, en cuisine, est douée. C’est une esthète perfectionniste qui a le sens de l’équilibre. Il y a de la douceur, du croquant et juste la pointe d’amertume qu’il faut pour étonner. La présentation aussi est magnifique, à la fois savamment composée et sans chichis. Vient ensuite un “primo” de pâtes maison fondantes avec une crème à la sauge et aux poireaux, saupoudrées de noisettes grillées. Là encore, l’équilibre est parfait, fondant, craquant, douceur, et toujours le petit goût inattendu qui relève tout et qui fait qu’on s’en souviendra : ici, la sauge.
Pour le “secondo”, des pancakes aux carottes, très doux, sur un lit lamelles de chou cru sauce tahini qui en est le parfait contrepoint. Et en dessert, une spécialité locale véganisée : le salami de chocolat. En voyant arriver deux épaisses tranches chocolatées, j’ai pensé que ce serait lourd et indigeste, mais Maria avait eu la main légère sur le sucre, et l’acidulé du coulis fraise coco a fait le reste : une fois de plus, pari gagné. Ah, j’oubliais le pain maison fait par Davide et le vin blanc local… Je n’aime pas trop le vin, et encore moins le blanc, mais celui-là n’était ni doux ni sec, plutôt robuste et rond, on l’a adoré. Au début on négociait pour ne pas prendre une bouteille entière mais juste un verre, puis de verre en verre, la bouteille y est passée.
J’ai presque honte de m’étendre autant sur la nourriture, comme si c’était le plus important dans la vie… Mais c’est que ce soir là a été magique : on est arrivés l’esprit plombé par la mort prochaine d’un parent et l’espace de quelques heures, on a oublié. Une parenthèse de légèreté et de chaleur.
Nous avons dormi sur place, dans l’unique chambre à louer (qui communique si besoin avec une deuxième chambre à trois lits), et là encore, tout était pensé pour qu’on se sente bien. De l’espace, des meubles de récupération, des poutres peintes en blanc au plafond, comme les murs, des tomettes rouges, une belle plante grasse à l’allure échevelée, un lit confortable, une salle de bain impeccablement propre…
Et je garde le meilleur pour la fin : Maria et Davide. J’ai eu une bonne impression avant même de les rencontrer. Je leur ai envoyé un petit mail le jour même de notre visite pour leur demander s’ils pouvaient nous recevoir, et la réponse a été immédiate : “oui, on vous attend”. J’ai su plus tard qu’ils étaient en principe fermé ce jour là, mais ils ont ouvert pour nous. Un accueil simple, chaleureux, personnel. Ils ont été présents tout le long tout en respectant nos moments d’intimité. Nous sommes repartis avec un livre qu’ils nous ont offert et des boutures dans des pots…
Je crois que c’est l’unique fois de ma vie où j’ai insisté pour payer plus que le prix demandé. Ils avaient l’air de s’excuser de me demander de payer en m’apportant l’addition, et moi j’avais le sentiment que ce que j’avais reçu valait bien davantage.